
CRÉATIONS
MÉDUSE
Une création de Iman Kerroua et Sarah Battistella | Mise en scène: Elisa Berr | Comédien•ne•s : Sarah Battistella, Thomas Laurent, Mazigh Bouaich et Iman Kerroua



©Geoffrey Serguier
"Très célèbre pour sa beauté, Méduse éveilla l’espoir jaloux de nombreux prétendants et, de toute sa personne, rien n’était plus remarquable que sa chevelure ; j’ai connu quelqu’un qui assurait l’avoir vue. Le souverain des mers l’aurait outragée, dit-on, dans le temple de Minerve ; la fille de Jupiter se détourna, dissimula derrière son égide son chaste visage et, pour ne pas laisser cet acte impuni, transforma les cheveux de la Gorgone en serpents affreux. Aujourd’hui encore, pour effrayer ses ennemis épouvantés la déesse arbore sur sa poitrine les serpents qu’elle a fait naître." MÉTAMORPHOSES, Ovide.
C’est ainsi qu’Ovide scelle le destin de Méduse : en quelques lignes, sans lui accorder ni voix, ni regard, ni alternative. Le mythe est raconté par des hommes, fascinés par sa beauté, mais silencieux sur ce qui fait d’elle une personne : son origine, son rôle, son individualité. Ovide évoque ensuite le viol de Méduse par Poséidon dans le temple d’Athéna, sans offrir le moindre détail, sans s’attarder sur la violence de l’acte. Puis, il relate la réaction d’Athéna, la « chaste » déesse, qui choisit de punir Méduse – et non son agresseur – pour cette profanation. Méduse devient alors la seule coupable, dépouillée de sa beauté, transformée en monstre, condamnée à inspirer l’effroi jusqu’au-delà de sa mort.
Les sources antiques sont rares à évoquer Méduse avant sa métamorphose, et aucune ne nous transmet son histoire depuis son point de vue. Cette omission ouvre un espace fécond pour la fiction : un contre-récit, une réappropriation qui vient réparer les silences de l’Histoire. En réimaginant son destin, nous proposons une lecture contemporaine et féministe du mythe, où la voix de Méduse, longtemps étouffée, peut enfin se faire entendre.



©Geoffrey Serguier